Biographies des artistes

ALINA ET JEFF BLIUMIS

Minsk, Biélorussie, 1972, et Chisinau, Moldavie, 1958. Vivent et travaillent à New York.

Le couple, qui travaille ensemble depuis 2000, s’intéresse particulièrement au phénomène de l’immigration qu’il transpose plastiquement dans un langage coloré et fantaisiste. Outre les migrations internationales, Alina et Jeff Bliumis, étendent aussi leur réflexion à toutes les situations où l’individu est extrait de son environnement familier.
Migration A to Z est composée d’un ensemble de 195 cartes postales uniques de différents pays, classées par ordre alphabétique. Chacune d’elles représente un pays, selon une image-cliché, une image qui fait rêver. Au centre de chaque carte postale, les artistes ont repris un slogan provenant de différents sites internet, qu’ils soient ceux des services de l’immigration nationale, d’offices du tourisme ou de réseaux sociaux. Chaque carte postale figure un décalage entre deux réalités diamétralement opposées : d’une part la promotion du tourisme, kitsch et racoleuse et d’autre part l’immigration vue par l’œil des politiques et de l’opinion publique.

BRUNO BOUDJELAL

Montreuil, 1961. Vit et travaille à Paris et en Afrique.

Diplômé d’un DEA en « Géographie et pratique du développement dans le Tiers-Monde », cet artiste franco-algérien s’intéresse depuis toujours au flux et aux mouvements des populations. La photographie et la vidéo deviennent dès les années 1990 ses outils de travail privilégiés ainsi que les supports principaux de ses recherches artistiques.
Harragas, qu’il réalise en 2011, signifie en arabe « brûleurs» et désigne les migrants clandestins qui, avant de s’embarquer pour l’exil, brûlent leurs papiers d’identité officiels.
L’œuvre Harragas, se compose d’une mosaïque de films enregistrés sur les téléphones portables de ces voyageurs clandestins lors de leur traversée. À bord de leurs embarcations de fortune, les harragas s’aident de cartes SIM italiennes ou espagnoles, et s’orientent vers leur destination au gré des réseaux téléphoniques. Nombre d’entre eux gravent alors avec leurs appareils, le témoignage de leur périlleuse traversée et capturent les dernières images de leur terre natale ainsi que celles de leurs espoirs naissants à l’approche des côtes européennes.

CHARIF BENHELIMA

1967, Bruxelles. Vit et travaille à Anvers.

L’artiste nourrit essentiellement son travail de sa propre quête identitaire. Orphelin d’un père marocain émigré en Belgique et d’une mère belge, Benhelima a fait de ses origines et de l’absence de ses parents, le moteur de sa démarche artistique. Si son œuvre photographique puise ses sources dans cette base autobiographique, les notions de mémoire, d’identité et de racines qui en occupent le centre, sont elles, universelles.
Les quatre portraits d’enfants (Child 1, 2, 3, 4) sont issus de la série Welcome to Belgium, dont le titre fait référence, non sans ironie, au document rédigé à l’intention de travailleurs maghrébins, par le Ministère belge de l’emploi en 1964. Pendant neuf ans, Benhelima a réalisé un travail sur le déracinement, en photographiant demandeurs d’asile, immigrés clandestins et enfants de l’immigration.

Ces enfants, dont la jeune histoire fait écho à l’enfance de Benhelima, viennent des quartiers de Saint-Josse et Schaerbeek où il a vécu durant dix ans, alors qu’il étudiait la photographie à l’École supérieure des Arts Sint-Lukas. Ces portraits ont été pris dans un décor minimaliste, effaçant volontairement les repères de lieux et de temps.

Charif Benhelima, Child #1

DJAMEL OULKADI

Vit et travaille à Bruxelles.

Issu de la scène hip hop bruxelloise et graphiste de profession, Djamel Oulkadi développe depuis plusieurs années une œuvre picturale qui tient à la fois du graff et de l’abstraction arabo-musulmane. Son travail marie en effet le tracé rapide et instinctif du street art aux ornements géométriques propres à la tradition artistique arabe, traduisant en images la dualité de ses origines.

Proches de la mouvance Op Art par certains aspects, ses œuvres rythmées invitent l’œil du spectateur dans des jeux visuels induits par la répétition et la complexité parfois vertigineuses de ses motifs.

Solographie souligne le lien étroit qu’il entretient avec la calligraphie dans ses recherches plastiques.

Dans Kaléidoscope, une œuvre réalisée sur place pour l’exposition, l’artiste enrichit l’expérience optique du spectateur en plaçant à sa disposition un kaléidoscope, lui permettant dès lors une infinité de combinaisons à partir d’une seule image.

Avec Me Myself and ink, Djamel Oulkadi dissimule dans une multitude de motifs un autoportrait éclaté, que seul un temps d’observation laisse deviner.

Djamel Oulkadi, Solographie

HAMZA HALLOUBI

1982, Tanger, Maroc. Vit et travaille à Tanger et à Bruxelles.

Installé depuis 8 ans en Belgique, Hamza Halloubi développe un univers artistique marqué par l’omniprésence des notions de mémoire, d’exil et de solitude. Ses œuvres traduisent ses questionnements personnels à travers un vocabulaire plastique dépouillé et simple en apparence. En isolant des phrases d’écrivains de leur contexte, comme il le fait dans plusieurs de ses installations, ou en choisissant un plan unique dans ses vidéos, l’artiste invite le spectateur à en saisir immédiatement l’essentiel. Hamza Halloubi délivre une œuvre poétique, empreinte de références et de métaphores visuelles, à la fois simple et subtile.

Dans la vidéo Effacer, la caméra s’approche lentement d’un vieil homme assis, vu de dos. Les mouvements de sa main laissent penser qu’il est en train d’écrire, mais à mesure que le film progresse, on s’aperçoit qu’il tient une gomme entre ses doigts et qu’il efface mot à mot les pages de son journal. Tandis qu’il efface les traces de sa vie, on distingue par la fenêtre des passants, une vie qui s’anime.

En quelques minutes, le film interroge la mémoire, l’oubli, le deuil et le renouveau.

Hamza Halloubi,  Effacer

LALLA ESSAYDI

1956 – Marrakech. Vit et travaille à New York.

En tant qu’artiste arabe vivant en Occident, Lalla Essaydi dit jouir d’une perspective unique sur le statut de la femme dans  les deux cultures qui l’ont bercée. Dans son travail artistique, elle s’attache à partir de son expérience personnelle et à en déconstruire les préjugés.

Avec la série consacrée aux Femmes du Maroc, dont sont issues les œuvres Outdoor Gossip et Idle Afternoon, Lalla Essaydi s’attaque tout particulièrement aux fantasmes véhiculés par l’imagerie orientaliste. Selon l’artiste, la fascination de l’Occident pour le harem et la figure de l’odalisque, façonne encore aujourd’hui, non seulement le regard des occidentaux, mais aussi celui des arabes eux-mêmes. En figurant la femme arabe évoluant dans les espaces qui lui sont normalement réservés, l’orientalisme a abolit dans l’imaginaire des hommes les frontières entre sphères privées et publiques. Pour l’artiste, cet art dès lors voyeuriste aurait participé au renforcement des règles protectionnistes dans le monde arabe, en regard des femmes.

Dans ses photographies, elle met en scène les mêmes figures lascives que l’on retrouve dans les tableaux du XIXème siècle, avec l’intention d’en rendre visible les artifices et de délivrer ainsi les consciences de ces stéréotypes.

En recouvrant ses œuvres d’une abondante écriture calligraphique, elle s’approprie de façon transgressive un art sacré exclusivement réservé aux hommes, qu’elle combine au henné, un art décoratif pratiqué uniquement par les femmes.

Lalla Essaydi, Les femmes du Maroc : Outdoor gossip
Lalla Essaydi, Les femmes du Maroc : idle afternoon

Malik Nejmi

1973, Orléans, France.- Vit et travaille en France.

« Malik Nejmi, de père marocain et de mère française, scrute l’histoire familiale sur fond d’histoire collective. Grâce à la photographie, il renoue le lien au-delà de la Méditerranée, avec ce Maroc déserté par le père depuis 1995 et où l’artiste a passé, enfant, une partie de ses vacances.
En 2006, il crée El Maghreb, lettre photographique et poétique qui explore le Maroc du fils né en France et les silences du père immigré. Trois voyages, un ensemble photographique en trois temps, trois livres.

Par une approche narrative et intimiste, les Images d’un retour au pays évoquent les retrouvailles avec la famille restée là-bas, au Maroc. […]. Mais les images de ce premier voyage dévoilent en creux l’absence du père. « Tu es parti comme un voyageur et je suis revenu comme un fils d’immigré » lui souffle-t-il en silence.

Lors d’un second voyage, effectué après la mort de sa grand-mère […], Malik Nejmi élargit son propos. Se plaçant de « l’autre côté », depuis le pays que l’on quitte, le photographe s’attache, cette fois-ci, au « désir d’ailleurs », au « rêve d’Occident ». […]

Les clichés successifs de ces deux périples finiront par convaincre le père et le ramener au pays. C’est tout le sujet du troisième voyage : Bâ Oua Salâm. Mon père est revenu ! La paix sur mon père. Ce retour du père, dira Malik Nejmi, « c’est lui en moi ».

La collection d’art contemporain de la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, Paris, montag Editions/CNHI, 2011.

MEDHI-GEORGES LAHLOU

1983, Sables d’Olonne, France. Vit et travaille à Bruxelles.

L’artiste franco-marocain concentre son travail sur la confrontation des clivages culturels de son origine métissée par le biais du détournement et de l’hybridation. Avec une apparente désinvolture qui frôle parfois l’irrévérence, Mehdi-Georges Lahlou explore la notion de genre, le poids des religions et des traditions. Ses œuvres questionnent à partir de son point de vue intime, les limites des croyances, des certitudes et des stéréotypes.
Avec Décomposition culinaire ou autoportrait à la tajine, Lahlou se met en scène de façon humoristique et insolite en se coiffant d’un foulard surmonté d’un ingrédient ou d’un ustensile propre à la fabrication d’un plat typique du Maghreb, qui prend ici des allures d’icône.
Dans le diptyque The Meeting, il confronte radicalement les attributs de sa double identité culturelle et religieuse.
Avec Rose, l’artiste associe une expression liée à l’Islam, avec un matériau plus familier d’annonces tapageuses, le néon rose.
La sculpture Équilibre à la Kaaba représente le buste de l’artiste coiffé de la Kaaba, l’édifice cubique sacré vers lequel s’orientent les prières des musulmans au cœur de la Mecque. Ignorant délibérément les rapports évidents de forces et de proportions, Lahlou place la Kaaba en équilibre sur le sommet de son crâne.

Medhi-Georges Lahlou, décomposition culinaire ou autoportrait à la tajine

MOUNIR FATMI

1970, Tanger, Maroc. Vit et travaille à Paris et à San Diego (CA).

À travers ses installations, vidéos, sculptures et performances, Mounir Fatmi questionne avec acuité les structures de l’ordre établi, la censure, les dogmes et les codes culturels de la société contemporaine. Vivant à la croisée du Maroc, de la France et des États-Unis, son œuvre pluridisciplinaire laisse transparaître en filigrane les notions de voyage et d’exil.

Les autres c’est les autres est une œuvre audio-visuelle, réalisée en 1999, qui témoigne des ambiguïtés et des difficultés révélées à la simple évocation de l’altérité. Avec un traitement volontairement documentaire du sujet, Mounir Fatmi aborde des réflexions essentielles en interrogeant, sans détours, les passants. Qui est l’Autre ? Existe-t-il différents Autres? Qui suis-je moi-même ? Chacun est invité à répondre à cette question sur le site mis en place par l’artiste : theothersaretheothers.tumblr.com

Par des questions simples, presque naïves, l’artiste nourrit les imaginaires, tout autant que les débats socio-culturels.

Questionner les identités est une constante du travail de Mounir Fatmi, qui s’intéresse à la désacralisation des frontières symboliques et fictives qui nous séparent.

THOMAS MAILAENDER

1979, Marseille, France. Vit et travaille entre Marseille et Paris.

Thomas Mailaender, diplômé de photographie à l’Ecole des Arts Décoratifs de Paris, réalise ces images alors qu’il travaille sur le port de Marseille, en 2004. Fasciné par ces voitures dont les chargements s’empilent parfois très haut, l’artiste décide de leur consacrer une série qu’il intitule Voitures cathédrales, du nom que leur attribuent les dockers marseillais.

Pour ne retenir que l’essentiel de ce qu’il perçoit comme une invitation à la traversée, Thomas Mailaender efface le décor environnant à l’aide de la retouche numérique. Cette absence de mise en scène confère à ces voitures un statut d’icône et en fait une référence universelle au départ. En suggérant tout le rituel qu’impliquent les préparatifs d’un voyage, elles évoquent la question de ce que l’on emmène avec soi lorsqu’on traverse une frontière et matérialisent les liens que les immigrés entretiennent avec leur pays d’origine.

Thomas Mailaender, Voiture cathédrale, 37XQ06

YOUNES BABA ALI

1986, Oujda, Maroc. Vit et travaille entre Bruxelles et Casablanca.

Les œuvres de Younes Baba-Ali jouent sur les confrontations et les contradictions et mettent en lumière des thématiques délicates sous des formes ludiques et espiègles. Empreintes d’un certain dadaïsme, ses réalisations mettent souvent en scène des objets communs, détournés de leurs fonctions premières.

Tout le monde s’appelle Mohamed, placée dans le hall à l’entrée du Museum, est une installation sonore qui interpelle de vive voix un Mohamed anonyme, surprenant instinctivement les auditeurs. L’impression pour le visiteur d’être apostrophé crée une interaction directe entre le public et l’objet de diffusion et mêle la sphère intime à l’espace public.

Parabole, créée en 2011, est une installation composée d’une parabole mécanique, qui oscille inlassablement entre l’Est et l’Ouest, et bute sur les parois des deux murs qui délimitent son aire de liberté. Plus communément, la parabole est devenue aujourd’hui un objet quotidien de la plupart des familles maghrébines, faisant le lien entre la terre des origines et celle où elles ont émigré. Elle exprime donc ce ballottement entre deux cultures, deux continents, deux identités.