« C’est alors qu’une idée folle me vint à l’esprit. Que se passerait-il si je laissais échapper dans ce café quelques-unes de ces voix qui piaillaient dans ma tête ? J’apporterais une part de mon bon vieux teint hâlé qui se déverserait avec hardiesse et insolence sur la blancheur dominante. Je me tiendrais debout devant le comptoir, j’ordonnerais à tous de faire silence avant de déclamer d’une voix de stentor : « Je vais vous faire découvrir quelques vers qui sont aux sources de la poésie arabe. »
Archives de catégorie : Citations d’auteurs
Mohamed Zelmati – Chats de Bruxelles
« Moi je ne voyage que l’été comme les autres immigrés. Je charge le coffre et le toit de la voiture avec tout ce que j’ai rassemblé d’objets inutiles, d’occasion ou neufs, achetés, selon l’habitude héréditaire des émigrés pendant les soldes, et je me joins au légendaire voyage qu’entreprennent chaque année les Maghrébins pour se rendre dans leur pays. »
Ali Serghini – La nuit par défaut
« Les souvenirs de Tanger renaissent derrières les brumes de Bruxelles. Sous la chaussée d’Ixelles, le sable de Malabata. »
Ahmed Kalouaj – Une étoile aux cheveux noirs
« Tu as fait longtemps partie de cette communauté de femmes affublées de leur tablier blanc et qui ont enduré les lessives, debout devant les bassins d’eau froide, pour rincer encore et encore, subir cette litanie du linge, renoncer à votre beauté, à peine le temps de passer une main humide sur vos cheveux, un doigt mouillé sous vos yeux. »
Nass El Ghiwane – Fine-radi-biya-khouya
« Où m’emmènes-tu frère Où m’emmènes tu?
Coup après coup qui arrêtera le massacre
Ne nous reprochez pas alors notre exil
Ne me reprochez pas l’amour de la femme occidentale
Ce n’est point une passion passagère
Je n’ai pas oublié le bandir
Je n’ai pas oublié la kasbah
Je n’ai pas oublié le moussem
Je n’ai pas oublié que toute rencontre est une possibilité d’amitié
Je n’ai pas oublié quand les religieux chantent le coran
Je n’ai pas oublié mon douar
Je n’ai oublié pas ma tribu
Ni le temps des moissons
Je n’ai pas oublié ma vie
Ni les gens remplis d’amour
Ni mes gens pleins de détresse
Où m’emmène-tu frère Où m’emmène-tu?
Ne m’a tracassé ni ne m’a coûté
Que la séparation avec les amis
Ne m’a tracassé ni ne m’a coûté
Que le chant du Coran
Ne m’a tracassé ni ne m’a coûté
Que notre soleil sa lumière qui est celle d’une braise
Ne m’a tracassé ni ne m’a coûté
Nos étoiles ont la beauté d’une pleine lune
Où m’emmènes-tu frère ? Où m’emmènes-tu? »
Yacine Kateb – Nedjma
« Lakhdar crut à un mot d’argot
– De pro…De quoi?
– De prolétaires, d’ouvriers, quoi ! Moi, l’armée, je la porte pas dans mon coeur. Allez voir un peu ce qu’ils ont fait, les Chleuhs, chez moi…
– Les quoi ?
– Ben, les Chleuhs, les Boches, quoi !
Mal soulagé, Lakhdar hurla dans l’oreille du militaire. – Chleuhs ! Encore un mot comme bicot! Bien sûr, nous combattons ensemble les Boches en première ligne, et les Français nous confondent avec l’ennemi.
Il regrettait déjà d’avoir prononcé le mot Boche. « Il m’a collé sa maladie des races. » »
Fatema Hal – Fille des frontières
« Imaginer ma mère en François Simon me fit sourire. Cela dit, pas sûr que les restaurateurs y auraient gagné. Elle avait la dent dure. Je lui rappelai gentiment qu’il n’était pas certain que l’on écoute l’avis d’une Marocaine de passage à Paris, mais ma mère n’en démordait pas. « Et alors, reprit-elle, ce monsieur qui est venu manger chez toi, il n’est pas marocain. Et pourtant il a mangé, a aimé, et a écrit des choses gentilles sur toi… je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas aider un petit cuisinier français en disant du bien de son restaurant.
– Mais non maman, c’est nous qui avons besoin d’eux. Les Français sont connus dans le monde entier pour leur gastronomie
– Qui le dit ?
– Eux.
– Mais ils ne savent même pas faire la différence entre un takneta (farine grillée dorée au beurre et au miel, spécialité de la région d’Oujda), et un sellou (farine grillée avec amandes, sésame, noix, miel, épices et d’autres fruits secs). »
Ali Faiq Faiq – Amargh fusion « l’Exilé »
« J’erre dans les montagnes, toujours exilé
Passionné de vers rimés, sans cesse errant
La poésie et la musique me tourmentent
Désespéré, je fais oublier à l’amoureux rabroué ses souffrances
Je suis comparable à une bougie au milieu de vents forts
Se consumant, elle éclaire les autres »
Azouz Begag – Le Gone du Chaâba
« A la maison, l’arabe que nous parlons ferait certainement rougir de colère un habitant de La Mecque. Savez-vous comment on dit les allumettes chez nous, par exemple? Li zalimite. C’est simple et tout le monde comprend. Et une automobile? La taumobile. Et un chiffon? Le chiffoun. Vous voyez, c’est un dialecte particulier qu’on peut assimiler aisément lorsque l’oreille est suffisamment entraînée. »
Abdelhak Serhane
« Une transposition se fait, une traduction simultanée : la réflexion est marocaine, arabo-musulmane. La transcription se fait dans une langue étrangère que j’ai faite mienne. Entre ma pensée et mon écriture, un travail se fait, de manière très naturelle. J’essaie, en somme, de plier la langue française à une pensée arabe et marocaine».