Archives de catégorie : Témoignages et documents

Fatema Hal – Fille des frontières

« Imaginer ma mère en François Simon me fit sourire. Cela dit, pas sûr que les restaurateurs y auraient gagné. Elle avait la dent dure. Je lui rappelai gentiment qu’il n’était pas certain que l’on écoute l’avis d’une Marocaine de passage à Paris, mais ma mère n’en démordait pas. « Et alors, reprit-elle, ce monsieur qui est venu manger chez toi, il n’est pas marocain. Et pourtant il a mangé, a aimé, et a écrit des choses gentilles sur toi… je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas aider un petit cuisinier français en disant du bien de son restaurant.
– Mais non maman, c’est nous qui avons besoin d’eux. Les Français sont connus dans le monde entier pour leur gastronomie
– Qui le dit ?
– Eux.
– Mais ils ne savent même pas faire la différence entre un takneta (farine grillée dorée au beurre et au miel, spécialité de la région d’Oujda), et un sellou (farine grillée avec amandes, sésame, noix, miel, épices et d’autres fruits secs). »

Azouz Begag – Le Gone du Chaâba

« A la maison, l’arabe que nous parlons ferait certainement rougir de colère un habitant de La Mecque. Savez-vous comment on dit les allumettes chez nous, par exemple? Li zalimite. C’est simple et tout le monde comprend. Et une automobile? La taumobile. Et un chiffon? Le chiffoun. Vous voyez, c’est un dialecte particulier qu’on peut assimiler aisément lorsque l’oreille est suffisamment entraînée. »

Abdelhak Serhane

« Une transposition se fait, une traduction simultanée : la réflexion est marocaine, arabo-musulmane. La transcription se fait dans une langue étrangère que j’ai faite mienne. Entre ma pensée et mon écriture, un travail se fait, de manière très naturelle. J’essaie, en somme, de plier la langue française à une pensée arabe et marocaine».

Khalid Benslimane – Souvenirs au Lycée Lyautey

« Quelques poils pubiens et quelques leçons d’histoires plus tard, le vase de Soissons qui symbolisait l’homogénéité innocente de notre communauté infantile vola doublement en éclats. D’abord sous le coup de hache de Clovis qui marquait ainsi l’avènement des Francs et la scission de notre entité culturelle, ensuite sous les coups de marteau de Charles Martel qui tout en repoussant l’invasion arabe à Poitiers ancrait en même temps notre future identité biculturelle. C’est ainsi que les petits gaulois que nous étions se scindèrent donc en Francs et Sarrasins. »